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  • Photo du rédacteurFamille Le Roux

Smile et le vieil oncle Li

Dernière mise à jour : 6 févr. 2021

Voilà un moment que nous voulions raconter cette histoire...


Nous sommes le 24 août, à Xi'an, capitale de la province du Shaanxi, dans le centre de la Chine.

Après avoir passé quelques jours à sillonner la ville et ses alentours, nous quittons notre appartement au 27ème étage d'une belle tour qui en compte 35 (!), petit monde vertical où fourmillent des voyageurs encombrés de leurs grosses valises, des travailleurs qui pressent le pas pour rejoindre leur bureau et de nombreux, très nombreux résidents, conséquence du vaste exode qu'ont connu les campagnes chinoises depuis 50 ans. Triste choix que celui d’échanger une vie de labeur dans les champs contre une demi-vie dans des villes chères et congestionnées où les enfants grandissent dans un air souvent vicié. La Chine avance à marche forcée. Vu d’ici c’est flagrant !


Dans notre immense tour, seuls 3 ascenseurs à bout de souffle assurent la circulation verticale si bien qu'agacés d'attendre chaque fois de longues minutes nous nous sommes résolus plusieurs fois à monter et descendre à pied les 27 étages par l'escalier de service. Sportif assurément ! Mais surtout une aventure urbaine au cœur de ce géant de béton ou l'on découvre qu'une vie parallèle existe dans cette interminable cage d'escalier. De-ci de-là sont entreposés des stocks de tout et n'importe quoi ; nous croisons de jeunes mères avec leurs bébés venues tenir salon avec leurs voisines du dessus ou du dessous, des adolescents qui cherchent manifestement à s'extraire du regard de leurs parents et qui sonorisent 3 étages avec le son nasillard de leur smartphone, des gens qui font une cuisine que l'on n'a pas franchement envie d'essayer... Certains étages sont utilisés pour entreposer des tas de cartons ou de vieux meubles qui ne rentraient plus dans les appartements… le temps qu'on leur trouve une 2e vie. Rien ne se jette ici. A l'évidence, la communauté de la cage d'escalier semble avoir ses propres codes. Je serais bien étonné qu'aucun sociologue n'ait publié quelque chose sur le sujet.

De Xi'an nous retiendrons surtout ses délicieux hotpots que nous avons découverts en entrant par hasard dans un restaurant qui avait une jolie devanture, tout affamés que nous étions, pressés de trouver quelque chose à manger. Quelle belle surprise ! Nous retiendrons aussi la petite pagode de l'oie sauvage (on n'a pas eu le temps de voir la grande), à deux pas de notre appartement ainsi que le quartier musulman, sympathique capharnaüm près de la belle tour de la cloche, dans lequel il est si agréable de déambuler et de se perdre. Et bien sûr, clou du spectacle, la célèbre armée de terre cuite et ses quelques 8000 soldats de pierre qui accompagnèrent dans la mort Qin Shi Huang, premier empereur de Chine, il y a plus de 2000 ans. Grandiose !

Pour en revenir à notre histoire, c'est sans regret que nous quittons notre logement du haut de la tour pour nous rendre à la gare centrale de Xi'an. La veille, nous avons acheté 5 billets de train pour Chengdu, aller à la rencontre des célèbres pandas du Sichuan.

Comme toujours quand nous devons prendre des trains ou des avions, nous avons pris une marge confortable. En cette belle matinée, c'est avec entrain que nous allons prendre pour la 3e fois le TGV chinois dont nous apprécions le confort, la propreté et la ponctualité.


Arrivés à la gare, nous nous rendons au comptoir retirer les billets. Anachronisme criant dans un pays ou tout le monde utilise son smartphone pour à peu près tout ! La file d'attente est longue. Il nous reste 1h, nous avons le temps. Magali et les enfants s'installent «confortablement» le long du mur… Hugo déballe quelques Lego pour jouer pendant que je fais la queue.

Plusieurs personnes me passent devant au motif que leur train va bientôt partir. Je comprends, admettons… cela semble être la convention. A quelques mètres du guichet j'écarte un peu les coudes pour signifier qu'il ne faut quand même pas abuser ! Après 40 minutes j'obtiens enfin les précieux sésames. Il reste 20 minutes, nous sommes sur place, on est serein. Les enfants rangent calmement leurs affaires. Il reste 17 minutes.

Nous nous engouffrons dans la gare et nous nous présentons à la sécurité. En Chine, les gares sont comme les aéroports, tout doit être vérifié et les bagages soigneusement passés aux rayons X. Et c'est pareil dans les stations de métros... qui a parlé de dérive sécuritaire ? Il y a un peu de monde, mais le système est bien rodé et c'est assez rapide. En matière de gestion de foules, la Chine est un maître incontesté : tout le monde est dirigé à marche forcé au son hurlant des mégaphones ! Passons...

Il reste 10 minutes.

Nous montons l'interminable escalator et débarquons dans le hall central. Immense. Plus que ça même ! Je crois que nous n'avons jamais vu de gares aussi grandes.

Sur le panneau d'affichage qui doit bien faire 20 mètres de long, Lisa repère le numéro de notre « gate » en un clin d'œil… et ce n'est pas la « gate » à côté comme on dit.

Avec Magali, nous comprenons qu'il va falloir accélérer le pas.

Il reste 9 minutes.

Nous courrons. C'est un peu la débandade. Hugo qui est encore petit n'a pas bien saisi l'urgence. Je le prends dans les bras... Nous accélérons encore. Essoufflés et transpirants nous nous présentons devant la porte d'embarquement qui conduit au quai 5 minutes avant le départ du train.

Oui.. mais... en Chine, ce n'est pas comme en France ; vous vous souvenez : les gares sont comme les aéroports. Eh bien, c'est aussi vrai pour les portes d'embarquement qui ferment plusieurs minutes avant le départ du train.

Et zut, nous voilà en rade à la gare de Xi’an, impossible d'accéder au train qui se trouve à quelques mètres de nous en contre-bas. Frustrant !

Il est 10h du matin, rien de grave, on prendra le suivant.


Je me dirige vers le grand comptoir au centre de la gare et engage la conversation avec Peter (son nom de guerre) qui ne parle qu'un anglais très relatif. Je ne lui en veux pas, mon chinois n'est pas meilleur. Alliant geste de la main, traduction sur smartphone et bribes de conversations, je finis par comprendre qu'il nous est possible de prendre un autre train dans la journée avec les mêmes billets et ce, sans supplément. C'est une bonne nouvelle. Mais voilà, le train de 13h est déjà complet et celui de 15h ne circule pas aujourd'hui. Il nous faudra donc patienter jusqu'à 18h et nous arriverons vers 22h30. Très bien. De toute façon, on n’a pas le choix.


Mais il y a un hic ; nous avons réservé un appartement à Chengdu et notre contact, Smile (!), doit nous retrouver à 14h pour nous remettre les clés… Je n'ai pas de carte SIM (pas possible non plus d’en acheter sur place) et le wifi public de la gare ne fonctionne pas du tout, saturé qu'il est par les 4500 personnes qui tentent se connecter dans le grand hall. Ça se complique un peu !

Je demande donc très gentiment à Peter si je peux emprunter son téléphone. Désireux d'aider notre famille, il propose d'appeler lui-même ma fameuse Smile et de lui expliquer que nous arriverons plus tard. S'en suit une conversation téléphonique interminable entre Peter et Smile. Je ne comprends pas vraiment ce qui se passe mais au bout de 10 minutes environ, Peter me tend le téléphone et me dit que tout est arrangé. Il faut juste que Smile m'explique pour les clés… Très bien, allons-y.

La gare est bondée. Le brouhaha incessant. Et c'est dans ces conditions que j'entame la conversation en anglais la plus amusante mais aussi la plus difficile de ma vie. Smile parle à peu près anglais mais avec un fort accent chinois. Avec le bruit qui règne ici, je l'entends très mal mais ce qui me gêne surtout c'est qu'elle a une voix très haut perchée et qu'elle bégaie! Je comprends difficilement un mot sur 4. A la fois je me retiens de rire et je suis stressé à l'idée de ne pas saisir ses instructions. D'autant qu'elle répète « Ok? » Toutes les 30 secondes.

Et bien non, pas ok, pas ok du tout… Heureusement qu’elle est très patiente et ne se vexe pas lorsque je lui demande de répéter trois ou quatre fois les mêmes choses ; je reformule pour voir si j'ai bien compris, je bouche l'oreille qui n'est pas sur le téléphone aussi fort que possible pour atténuer le bruit de la gare... Au bout de plusieurs minutes éprouvantes, je suis finalement parvenu à saisir l'essentiel : Smile ne peut pas nous retrouver ce soir. Elle va donc demander à son vieil oncle Li qui ne parle pas un mot d'anglais de nous attendre à 23h sous un arbre qui se trouve près d'une banque… Et c'est tout !

Ah oui, elle ajoute que c'est l'oncle Li qui nous reconnaîtra car on est européen et qu'on voyage avec 3 enfants, ce qui n'est pas courant pour eux dans ce coin de Chine. Donc, techniquement, on a juste à trouver l’arbre dans une ville de 14 millions d’habitants ! Il n’y a plus qu’à espérer que l’arbre et la banque se trouvent près de la résidence. Mais je manque franchement de certitudes, je n'ai rien compris d'autre !

Je pars raconter mon histoire à Magali et aux enfants qui éclatent de rire. C'est vrai que la situation est cocasse.

L'oncle Li constitue malgré tout une lueur d'espoir... On verra bien. Après tout, c'est aussi cela que nous sommes venus chercher dans ce voyage, des situations pas banales et des rencontres improbables.

18h. Dans le train, nous nous installons confortablement... par terre ; nos billets nous permettent d’embarquer mais on a perdu le bénéfice de nos places assises. Magali et les enfants entament alors une grande partie de « Plantes contre Zombies II » en mangeant des burgers (craquage ! Après une journée à patienter sur les banquettes de la gare on ne se sentait pas d’imposer un bol de nouilles aux enfants). Les chinois de notre wagon passent et repassent devant nous ; nous sommes l'objet de toutes les curiosités… Après 2h de trajet, nous faisons la connaissance de Jessica, une prof d'anglais chinoise qui enseigne à Chengdu. Elle voyage avec Brian, son petit garçon de 4 ans, ravi et très étonné de rencontrer Hugo. Il avait déjà vu de petits occidentaux à la TV mais jamais en vrai ! Il n’ose pas vraiment s’approcher… Jessica est adorable. Elle ne veut pas nous importuner mais on sent qu’elle a très envie de venir discuter… Et de notre côté nous n’avons pas eu beaucoup d’occasion d’échanger avec des chinois…Il y a quand même une sacrée barrière de la langue ! Jessica trouve très étonnant que nous voyagions un an avec les enfants ; elle a plein de questions. Ce genre de projet est tout simplement impensable en Chine. Nous lui parlons un peu de notre voyage, de nous, de notre vie. De son côté elle nous explique son travail, sa vie en Chine... Ça a l’air de lui plaire... Moments d’échanges passionnants qui permettent à des gens venus d’horizons différents de découvrir un peu du monde de l’autre, de se comprendre… un peu.


Nous lui racontons l’histoire de l’oncle Li et elle décide immédiatement de nous aider. Elle connait bien la ville. A l’arrivée du train elle nous trouve rapidement un taxi, négocie pour nous le prix de la course, et explique à notre chauffeur où nous déposer. Il est déjà 23h et nous avons à peine le temps de noter le numéro WeChat de notre nouvelle copine avant de partir. Malheureusement, dans la précipitation, le numéro que nous avons griffonné est faux et nous n’aurons pas l’occasion de la revoir avec son petit garçon. Dommage, nous aurions bien échangé encore un peu. Belle rencontre… trop éphémère.


Les lumières blafardes des trois périphériques concentriques qui entourent la ville défilent et donnent une idée de la démesure de cette mégacité. A cette heure tardive la circulation est fluide. Les enfants ont à peine le temps de s’endormir à l’arrière de la voiture que nous arrivons déjà. La journée a été longue et quelle n’est pas notre joie quant à la descente du taxi un vieux monsieur accompagné de sa fille et de sa petite fille, curieuses de rencontrer la famille de frenchies qui voyage avec des sacs à dos et manque les trains, surgissent de dessous un arbre à notre rencontre. Moment d’euphorie. C’est l’oncle Li ! Ce soir, nous ne dormirons pas sur les bancs publics de Chengdu.


Dédicace.

Un grand merci à Peter et Jessica qui nous ont filé un sacré coup de main pour rejoindre notre appartement de Chengdu. Et nous n’oublierons pas non plus Wendy qui parlait à peine quelques mots d’anglais et qui s’est démenée pendant plus d’une heure à l’aéroport de Guilin pour nous trouver des billets d’avion bon marché pour Shanghai (nos billets venaient d’être annulés 2h avant notre vol !).

Les chinois ont le sens du service et de l’entraide, c’est certain.



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